Dégustations de Rhums Blancs de 2016 à 2023

Comprendre les différences des Rhums blancs en sachant ce que l’on déguste

Depuis septembre 2016, j’ai initié au sein de mon Club une série de dégustations dédiées aux Rhums Blancs, principalement Agricoles, mais pas seulement (les Rhums Agricoles font partie de l’ADN du Club). L’objectif est de sensibiliser aux nuances de saveurs des Rhums Blancs, en explorant parfois les détails. Cependant, l’essence même de cette démarche est de distinguer les subtilités gustatives liées aux divers paramètres techniques qui influencent l’élaboration du Rhum. Parallèlement, ces dégustations permettent la découverte de nouvelles références et de séries spéciales, mettant en lumière tous les aspects abordés.

Ici un Rhum Blanc Agricole monovariétal millésimé maturé plusieurs mois en cuve avant d’être embouteillé

Définition d’un Rhum Agricole

Puisqu’on en parle, et avant d’aller plus loin, voici la définition d’un Rhum Agricole :

C’est un Rhum qui est produit exclusivement par distillation à moins de 90%vol d’alcool, après fermentation alcoolique du jus de la canne à sucre originaire des lieux de production. Il doit avoir une teneur en substances volatiles égale ou supérieure à 225 G/HAP, (Grammes par hectolitre d’alcool pur à 100%vol). Il de ne doit pas être édulcoré. Le terme « Agricole » ne peut être utilisé que pour les indications Géographiques d’un département Français d’outre mer ou de la région autonome de Madère. 

Différents crus de Rhums Blancs Agricoles originaires de Madère, de Guyane Française, de Guadeloupe, de la Réunion et de Martinique

Au travers de toutes ces dégustations de rhums blancs, on aborderait :

– Les styles de Rhums liés aux origines

Ici, nous avons un « Clairin » originaire de l’île d’Haïti, produit à partir d’un pur jus de canne endémique de l’île. Sa fermentation spontanée est plutôt longue. Distillé en alambic maison, ce Rhum Blanc artisanal titre 53.4%vol pour ce millésime et ce lot. Il présente une complexité olfactive et une longueur en bouche remarquables. Le Clairin est le Rhum Blanc emblématique de l’île d’Haïti (indépendante depuis 1804), avec très peu de références qui sortent de l’île.

– Les Rhums de mélasse « High Ester » ou « Grand Arôme »

Ici un Worthy Park et un Hampden de la Jamaïque, deux des marques emblématiques de cette île (ex-Anglaise) à produire des Rhums « Lourds » ou « High Ester », élaborés à partir de mélasse fermentée de façon spontanée durant plusieurs semaines. Distillés en « Pot Still », Alambic à double retors (Thumper) que l’on trouve aussi pour certains whisky, il titre ici 57%vol d’alcool mais existe aussi en 75%vol. Il offre une teneur en éléments volatiles de 502 g/HLAP. Le Hampden titre 62.5%vol et une teneur en volatiles de 350g/HLAP. Plutôt  compliqués que complexes, ce sont des Rhums très particuliers, puissants en goûts qui ne sont pas forcément harmonisés.

Le troisième, c’est « Lontan » de la distillerie Savanna à la Réunion, un Rhum « Traditionnel, Grand Arôme », de mélasse, longue fermentation (à l’ancienne), qui titre 57%vol. Là aussi, on retrouve les mêmes marqueurs aromatiques, mais légèrement moins puissant que les précédents et avec un peu plus d’harmonie.

– Les cépages de canne pour les Rhums Agricoles (mono variétal et parcellaire)

Comme on travaille avec une matière première agricole, c’est-à-dire une matière végétale directement extraite de la plante et n’ayant subi aucune transformation, on élabore certains Rhums Blancs avec une seule variété de canne. Cette approche vise à capturer, dans le goût final, les nuances liées aux caractéristiques gustatives de la plante. Seuls les Rhums purs jus de canne frais peuvent refléter cette identité liée à la variété de la plante, au sol où elle a poussé, ainsi qu’aux conditions climatiques pendant sa croissance. C’est pourquoi il est fréquent que les crus monovariétaux soient également proposés en parcellaire, ce qui signifie que les caractéristiques gustatives de la plante sont associées à l’endroit précis où elle a évolué. Presque tous ces crus sont millésimés, soulignant ainsi l’importance du climat de chaque année pour la plante cultivée.

Sur la photo, on trouve :

• Un « Bologne Black Cane » Millésime 2016, 55%vol, 100% canne noire, mono variétal, Distillerie Bologne, Basse Terre IG Guadeloupe
• Un « La Favorite Rivière Bel Air » Millésime 2017, 53%vol, 100% canne rouge B64.277, mono variétal-parcellaire, Distillerie la Favorite, AOC Martinique
• Un « La Favorite La Digue » Millésime 2018, 52%vol, 100% canne roseau B59.92, mono variétal-parcellaire, AOC Martinique
• Un « Longueteau parcelle N°9 » Millésime 2014, 55%vol, 100% canne R570, mono variétal-parcellaire, IG Guadeloupe
• Un « Longueteau parcelle N°7 » Millésime 2022, 55%vol, 100% canne bleue B69.566, mono variétal-parcellaire, IG Guadeloupe
• Un « Bologne la Batterie » Millésime 2020, 58.6%vol, 100% canne noire, mono variétal-parcellaire, IG Guadeloupe

Ici, trois Rhums Blancs Agricoles mono variétaux 100% canne rouge de la Distillerie Longueteau en Guadeloupe. Ce qui change entre eux, c’est la parcelle de terre où les cannes de la même variété ont été cultivées. On peut mesurer l’incidence du terroir sur un Rhum pur Jus de Canne (Agricole)

– Les Rhums « Brut de Distillation », hauts en degrés

Ici, un lot de Rhums Blancs Purs Jus de canne frais titrant entre 76%vol et 66%vol. Quatre sont distillés en Colonne et un en Alambic hybride, pas ou peu de réduction par mouillage.

– Les Rhums qualifiés de BIO

Une nouvelle tendance qui se développe avec des cannes cultivées en biodynamie.

– Les Rhums blancs vieillis puis décolorés sur charbon actif

Après distillation, ces Rhums de mélasse, sont vieillis quelques années en fûts de chêne puis filtrés sur charbon actif pour redevenir plus ou moins incolores. C’est une pratique largement pratiquée qui permet d’utiliser des Rhums avec une certaine consistance dans des cocktails sans qu’ils n’apportent de couleur aux différents mix.

– Les Rhums d’embouteilleurs indépendants

De nombreuses marques ne fabriquent pas leur Rhum. Elles achètent du Rhum ça et là, l’assemblent ou pas, le font vieillir ou pas. Bref, elles créent de nouvelles références ou permettent à certaines productions d’apparaitre sur le marché international.

– Les fermentations plus longues sur des Rhums Purs jus de canne

Ici, il y a quatre Clairins Haïtiens dont un est élaboré avec du jus de canne cuit (sirop). Ces Rhums conservent le même type de fermentation spontanée avec des levures sauvages. Ces fermentations se font sur plusieurs jours et génèrent des aromes plus complexes. Le cinquième vient de chez A1710 en Martinique, 6 jours de fermentation, levures sélectionnées, de la complexité, de la longueur, tout en conservant de l’élégance. (Distillerie A1710)

– Parmi les découvertes en Rhums Blancs Pur Jus de canne

Ici, deux Rhums pur jus de canne originaires de Polynésie Françaises élaborés avec une variété de canne endémique (O’Tahiti)

Pour celui ci, il s’agit d’un Rhum pur jus de canne, du Vietnam, distillé en Alambic Hybride et titrant 54%vol.

En Conclusion

Voilà un petit tour d’horizon rapide des différents sujets abordés côté Rhums Blancs, au Club du Rhum, ces dernières années pour les adhérents permanents.

Alain Rossi
Consultant en Spiritueux, Expertise Rhum, WSET Spirits Level 2
AR Formations Rhum
espritrhum-formation.com